
Vous vous qualifiez de chef terroiriste, de paysan cuisinier. La terre passerait-elle avant la cuisine ?
Terroiriste signifie utiliser les ressources et les richesses du terroir que l’on occupe. Je préfère ce mot à celui de locavore qui pour moi ne veut rien dire. Sans la terre et ses terroirs, il n’y a pas de cuisine. L’un ne va pas sans l’autre. J’ai grandi dans une ferme, mes grands-parents m’ont nourri, dans tous les sens du terme, avec les produits de leur terre, de leurs élevages. Mon père était boucher et m’a appris le travail de la viande, la préparation des terrines et des charcuteries. Mes racines et mon histoire paysanne incarnent ma cuisine. Aujourd’hui, je puise mon inspiration dans les richesses du terroir ligérien et solognot. Mais quand je travaillais en Floride (N.D.L.R. : Christophe Hay a dirigé les cuisines du Bistro de Paris, table gastronomique dans le parc thématique Epcot à Orlando en Floride), j’avais déjà adopté cette démarche en faisant appel à des producteurs locaux. Avec Fleur de Loire, je poursuis le travail que j’ai entamé dans mes précédents établissements. J’ai un potager d’1,5 hectare, une serre à agrumes et j’ai acquis un élevage de bœuf Wagyu en Sologne. Ces ressources me permettent d’être autosuffisant tout en maîtrisant la qualité des produits que j’utilise. Je sais que je suis circulaire de la terre à l’assiette et c’est une immense satisfaction.
Selon vous, la restauration doit-elle s’engager dans cette voie ?
Je n’ai pas de leçon à donner. Pour moi c’est simplement une conviction et j’agis en conséquence. Fleur de Loire a été conçue dans ce sens. Si je peux transmettre à travers mon établissement un peu de cette conviction, alors j’en serais heureux. En travaillant les produits de la terre, de la mer ou des rivières, les cuisiniers sont directement impliqués par la qualité des ressources que nos territoires nous offrent. Ce sont donc de bons ambassadeurs pour défendre des valeurs et je suis convaincu que nous avons un rôle à jouer.
Pourquoi dites-vous que Fleur de Loire est l’épilogue de votre histoire ligérienne ?
Le prologue a eu lieu à Montlivault (N.D.L.R. : La Maison d’à côté, établissement doublement étoilé en 2019) et plutôt qu’un épilogue, c’est un projet de vie et une continuité puisque je garde aussi toujours un pied à Orléans avec La Table d’à côté. En trouvant ce lieu exceptionnel, j’ai pu donner vie à ce que je souhaite transmettre à mes clients : un site où l’on se sent en confiance, où l’on se déconnecte, qui suscite des émotions et permet de découvrir des prestations qui devraient faire aimer un peu plus notre belle région et ses richesses tant culturelles que gastronomiques. Car l’art est aussi présent chez Fleur de Loire. Je veux aussi montrer que mon établissement prend en compte l’environnement et peut être que cela contribuera à réveiller des consciences.

La démarche écoresponsable de Fleur de Loire, c’est quoi ?
Un lieu en cohérence avec mes engagements. Les 5 000 m2 de cette maison de famille et de cuisine ont été pensés dans le respect de l’environnement et je peux vous dire que c’était un défi de taille quand on s’attaque à une bâtisse du XVIIe siècle ! Nous avons utilisé les matériaux et les matières les plus naturelles qui soient pour la maîtrise d’œuvre et la décoration. Notre électricité provient d’énergies renouvelables, la climatisation fonctionne sur boucle d’eau ce qui permet d’importantes économies d’énergie car on peut récupérer l’énergie pour la redistribuer. Mes cuisines, tout électriques, ont été conçues avec des équipements de dernières générations, peu énergivores. Tous les produits d’entretien utilisés dans l’établissement bénéficient d’un écolabel. Nous avons également installé des poches à eau en sous-sol qui permettent de récupérer l’eau de pluie pour arroser le jardin. D’ailleurs ce jardin surprend souvent le visiteur car je l’ai souhaité sauvage, avec des espèces endémiques, comme sur les grèves le long de la Loire… On est très loin d’un jardin à la française ! Il y a aussi beaucoup de détails. Tout le mobilier en bois de l’hôtel est issu de forêts durablement gérées, tous les luminaires sont équipés de leds et les clefs des chambres sont en bois pour ne pas avoir recours aux cartes magnétiques en plastique. Pour limiter le papier et les produits de papeterie nous avons installé des tablettes numériques dans les chambres et nos clients ont à leur disposition des poubelles de tri. Les produits d’accueil sont une véritable création locale puisque fabriqués par la Savonnerie des Muids, installée juste à côté. Chaque produit est élaboré à partir d’éléments issus du Val de Loire et notamment des huiles Guénard, des vinaigres Martin-Pouret et du miel du jardin de Fleur de Loire.
Et dans votre cuisine comment abordez-vous cette démarche ?
J’attache énormément d’importance au produit. Avec Paul Bocuse j’ai été à bonne école ! Je suis heureux de pouvoir réhabiliter les poissons de Loire, valoriser le gibier de Sologne ou la cueillette du jardin. J’essaye de respecter et de mettre en valeur la biodiversité du Val de Loire et je veux que ma cuisine reflète le talent des hommes et des femmes - agriculteurs, pêcheurs, cueilleurs etc.- qui la font vivre. C’est pour ça aussi que j’ai acquis en 2019 un cheptel de 27 bœufs Wagyu issus de l’élevage solognot de Thierry Roussel. Aujourd’hui, ils sont 70 et nous les élevons en respectant leur bien-être. Après leur naissance, ils passent par exemple trente-six mois en pâture, puis sont chouchoutés en box où est diffusée de la musique et où ils sont massés. Je pense que leur viande ou quelques-uns de mes plats signatures comme la Carpe à la Chambord ou le Lièvre à la royale incarnent ma démarche.
Vous êtes aussi un chef engagé dans plusieurs causes et vous parrainez cette année le salon EquipHotel. C’est important ?
Ce qui est important c’est de transmettre, d’informer, de témoigner. L’éducation au goût auprès des enfants et des adolescents, qui éveille leur curiosité, me semble fondamentale. J’interviens auprès de trois écoles de la région Centre Val de Loire, des lycées hôteliers de Blois et d’Orléans, ainsi que du CFA de Tours. Je vais aussi ponctuellement à l’école Ferrandi à Paris et à l’Institut Paul Bocuse à Lyon. En parallèle je me suis engagé depuis 7 ans auprès des Restos du Cœur de Blois. J’organise avec mes équipes chaque fin d’année, la préparation et la distribution de repas chauds, avec le soutien de mes amis producteurs. En ce qui concerne EquipHotel, le thème de l’édition 2 022 « L’Hospitalité engagée » m’a séduit. Être l’ambassadeur de ce sujet m’a semblé être dans la logique de ma démarche…
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