
Les groupements d’installateurs affirment leurs identités
Si une saine concurrence les oppose, les réseaux indépendants de distribution et d’installation de matériels pour le CHR et les collectivités n’ont jamais été autant courtisés par les acteurs de la restauration - commerciale et collective -, des métiers de bouches, de l’hôtellerie et du tourisme. Et à ces marchés historiques, s’ajoutent désormais de nouveaux clients comme la GMS, les salles de sports et de loisirs et tous les lieux où les nouvelles formules de restauration s’immiscent. Car la puissance de leurs réseaux qui quadrille l’Hexagone garantit proximité et services à leur clients, deux valeurs très recherchées à l’heure des ventes « on-line » où le SAV reste approximatif. Et c’est bien ce qui incarne leur ADN et les distinguent du reste du marché. Eurochef, Gafic, Gasel, Gif et UFCF réunissent plus de 400 entreprises indépendantes qui pèsent pour plus d’1 milliard de chiffre d’affaires dans le domaine de la cuisine professionnelle (installation et distribution). À cela s’ajoute la part du SAV difficilement quantifiable étant donné le profil hétérogène des entreprises, mais qui est le service le plus recherché actuellement par les opérateurs de la restauration qui privilégient une proximité pour des interventions rapides et efficaces. Les achats centralisés des cinq groupements sont estimés à plus de 400 millions d’euros. Face à eux, quelques très grosses entreprises indépendantes (MRG, 3C…), quelques réseaux secondaires (Euro CHR, Gicaf, ce dernier se positionnant quasiment pas sur la cuisine…), les réseaux d’installation intégrés (Dalkia, Quietalis, réseaux des fabricants de matériels notamment ceux du groupe ITW) et les gros distributeurs (Metro), sont leurs principaux concurrents. Au total, bien qu’aucunes études ne le confirment, le marché dépasserait les 3 milliards d’euros ce qui signifierait que ces 5 réseaux représenteraient à eux seuls 1/3 du marché.

Christophe Clairet a récemment été élu président de l'UFCF.
Des structures solides et expérimentées
Pour draguer les entreprises indépendantes, chaque réseau revendique une personnalité qui lui est propre. Trois d’entre eux ont plus de 50 ans d’existence (Gafic, Gasel, GIF) tandis qu’Eurochef et UFCF ont vu le jour il y a une vingtaine d’années. Les doyens sont organisés en coopérative avec, selon leur forme juridique, un conseil d’administration (GIF) ou un directoire et un conseil de surveillance (Gasel). Ces structures représentent et défendent les intérêts des sociétaires ou des membres associés. Eurochef a opté pour sa part pour une structure en SAS tandis qu’UFCF est organisé en GIE. Tous disposent d’une centrale d’achat. Elle permet aux adhérents de bénéficier des meilleures offres des fabricants. Ces derniers viennent défendre leurs productions en moyenne tous les 3 ans pour tenter de rentrer dans les catalogues de ces cinq partenaires de choix.
Certains, comme le Gif ou UFCF, ont développé des partenariats exclusifs avec des industriels qui réalisent pour eux des matériels « sur-mesure » à leur marque (Franstal, Novatec…). Mais en règle générale, chaque groupement organise son catalogue pour offrir pour chaque matériel trois niveaux de qualité différents (entrée, milieu et haut de gamme). À noter qu’en pleine pandémie, le Gif, alors en plein référencement triennal, a annoncé qu’il n’allait référencer que les industriels européens, en particulier Français, et supprimer de ses références toutes les fabrications Low cost de provenance lointaine. Pour saluer les efforts de ceux qui ont joué le jeu, le groupement a accordé une 4e année de référencement aux fournisseurs sélectionnés cette année.
Parmi les caractéristiques de distinction, le Gafic se singularise par sa plate-forme de distribution de 13 500 m² qui offre un espace de stockage recherché, à la fois par les industriels mais aussi par les adhérents qui peuvent ainsi livrer leurs clients dans des délais compétitifs, la plate-forme étant désormais organisée pour préparer les commandes à destination des utilisateurs finaux.

Marc Marouani, récemment élu président du Gafic.
Son président, Marc Marouani insiste pour bien scinder les activités du groupement en deux pôles : l’un dédié à la distribution des arts de la table, du mobilier et de l’hygiène, l’autre strictement axé sur l’installation de cuisine professionnelle et les métiers de bouche. Ce dernier représente 65 % de l’activité du Gafic dont 29 % est occupé par le froid. Une précision rare qui mérite d’être soulignée car les autres réseaux distinguent moins précisément l’activité négoce de l’activité cuisines professionnelle.

Les groupements développent de nombreuses stratégies pour se rendre le plus visible auprès des installateurs mais aussi de leur clients.
Des personnalités bien différenciées qui plébiscitent l’indépendance
En moyenne, la cuisine professionnelle représente 60 à 80 % de l’activité des réseaux, le delta étant occupé par le froid et la climatisation, la buanderie etc. Mais certains réseaux incluent le froid dans la cuisine et il est difficile d’avoir une vision précise de cette répartition par famille d’activité. À son origine, le Gasel par exemple ne faisait que du froid (au sens froid pour la GMS et froid industriels notamment) et avait été fondé par des frigoristes. Aujourd’hui, l’activité s’est largement diversifiée en direction de la cuisine puisqu’en 2018, le groupement aujourd’hui présidé par Christophe Chapotier, annonçait qu’elle occupait 45 % de son activité contre 23 % pour le froid.

Olivier Béguier, président d'Eurochef.
Des profils d’entreprises hétérogènes
C’est un point commun aux cinq groupements, le profil des entreprises qui les compose est assez hétérogène. Eurochef annonce une moyenne de 4 M d’euros de chiffre d’affaires pour les 56 PME qui le compose avec un effectif moyen d’environ 25 personnes. La situation est très similaire au Gif où l’on annonce pour les 79 adhérents un chiffre d’affaires moyen de 4 millions et des effectifs moyens composés de 20 personnes. Au Gafic, la moyenne des effectifs des 113 adhérents est de 10 personnes, avec un C.A de 2,5 millions d’euros mais on tient à préciser que la fourchette est immense puisqu’il y a à la fois des entreprises adhérentes avec un C.A de 1,2 millions d’euros et 6 personnes et des entreprises de 45 personnes avec plus de 30 M d’euros. Même chose chez UFCF, où l’on souligne que les effectifs peuvent être aux antipodes avec des PME qui oscillent entre 80 et 4 salariés, soit 15 personnes en moyenne. Au GIF, Jean-Bernard Labruquère insiste sur le fait que chacun de ses adhérents dispose d’un rayon d’action estimé à environ 1 heure de camionnette dépanneur.
Tirer des leçons de la crise sanitaire
Globalement les cinq réseaux ont bien traversé la crise sanitaire. Ils ont tous joué un rôle clef dans l’accompagnement de leurs entreprises, apportant les conseils nécessaires pour gérer cette période anxiogène. Pour Eurochef : « la pandémie nous a permis, et nous permet encore, de tester notre capacité à nous adapter à une telle situation et aux demandes du marché qui en ont découlé. Grâce à notre cellule Grands Comptes nous avons pu répondre à des marchés auxquels nous n’aurions pas forcément pensé auparavant ». La Gafic souligne qu’en début de crise, le département installation a baissé de presque 5 % et les arts de la table de plus de 18 %. Heureusement, les segments Hygiène et Métiers de bouche ont connu une très forte hausse et Marc Marouani confirme que depuis mai 2021, tous les domaines d’activité sont repartis à la hausse avec de très fortes évolutions. Au GIF on note une baisse d’activité en 2020 principalement en SAV mais les curseurs sont à nouveau au vert sur l’ensemble de l’activité. Quant à UFCF, l’organisation estime « avoir bien traversé la crise avec des baisses de chiffres d’affaires dans la tendance du marché. Nous avons constaté un fort redémarrage dès la sortie de la première vague. L’impact négatif s’est concentré sur le premier confinement avec les fermetures et l’arrêt des chantiers. Au final, nous avons constaté un maintien des investissements chez nos clients et des nouveaux modes de consommation sont apparus qui nous ont obligés à nous adapter au niveau des propositions d’équipement ».
Des préoccupations qui perdurent
Il n’empêche que tout n’est pas rose au royaume des groupements indépendants. Comme l‘ensemble de la profession et de la filière cuisine en général, les cinq structures que nous avons interrogées ont des inquiétudes bien légitimes. La plus récente concerne la flambée des matières premières qui se répercute par des hausses de prix en cascade sur les achats de matériels. Ces hausses générales des matières générées par un manque de disponibilité, ont pour conséquences, outre les augmentations de prix, des délais d’approvisionnement insoutenables pour les PME.
L’autre grande préoccupation, mais qui est comme le souligne Jean-Bernard Labruquère « générale pour toute l’activité économique de notre pays », c’est la pénurie de main-d’œuvre. Les métiers de l’installation manquent cruellement de ressources et de compétences. Ce qui a donné au Gafic l’idée de développer une formation spécifique aux métiers de l’installation et de la distribution avec différents CFA (dont le CFI d’Orly), mais pour le moment « les candidats ne se bousculent pas... » regrette Marc Marouani. Un aspect également déploré par l’UFCF qui estime que le recrutement de personnel qualifié n’est pas une sinécure et que les formations techniques dédiées au monde de la cuisine pro sont encore trop rares.
Chasse gardée
Enfin, à l’heure où un certain nombre de chefs d’entreprise arrivent à l’âge de la retraite ou se voient proposer des opportunités de reprise avantageuses par un « confrère » pour ne pas dire concurrent, les groupements cherchent à conserver l’entreprise adhérente dans leur giron… Voire à privilégier une reprise par un membre issu de la même organisation. Ce qui n’est pas toujours aisé, les tractations étant souvent tenues secrètes jusqu’au dernier moment. Il faut dire que la culture de la transparence n’est pas toujours l’apanage de ces groupements où les intérêts financiers sont particulièrement importants, dans un marché de la cuisine professionnelle souvent tendu. Et dans ce contexte où la crise sanitaire n’a pas été sans conséquence sur les finances des entreprises, il se pourrait que le Covid en ait fragilisé certaines au point de devoir, au pire disparaître, au mieux se vendre au plus offrant. Dans les groupements aussi l’heure pourrait donc être à la concentration du nombre d’adhérents, ce qui ne veut pas dire pour autant que leur volume d’affaires diminuerait. Mais « leur terrain de chasse » se verrait de plus en plus restreint...
* Le Gafic distingue son pôle négoce ( 5% de son activité ) de son pôle cuisine / intallation ( 65% )
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