L’écoconception n’est plus un simple élément de langage à l’heure des économies d’énergie. Sa dimension est fixée par une directive européenne. Pour les équipements, elle ne vise pas seulement à réduire la consommation d’énergie mais prend aussi en compte l’impact environnemental du produit tout au long de son cycle de vie.

On le sait, l’heure est à la sobriété énergétique. D’où la nécessité de se replonger dans la directive ErP - Energy related Products ou Directive Ecoconception 2009/125/CE du 21 octobre 2009. Celle-ci a fort heureusement été transposée en droit français par le décret 2 011-764 du 28 juin 2011, codifié aux articles Art.R 224-61 et suivants du code de l’environnement. Pour André Pierre Doucet, délégué Général du SYNEG, « les exigences déclinées à partir de cette directive sous forme de mesures d’exécution doivent être prises en compte par les fabricants et/ou les importateurs des produits concernés pour obtenir le marquage CE leur permettant de les mettre sur le marché européen ».

En ce qui concerne la cuisine professionnelle, seules deux catégories de matériels sont actuellement concernées : les armoires frigorifiques professionnelles et les cellules de refroidissement et de congélation rapides. Les armoires et meubles froids doivent par exemple afficher maintenant un étiquetage énergétique régit par un règlement très précis.

« La démarche de mise en œuvre de cette directive est longue et relativement complexe » poursuit André-Pierre Doucet. « La Commission européenne publie régulièrement son plan de travail qui indique quelles sont les familles de produits qu’elle va examiner. Puis, par le biais d’appels d’offres, elle sous-traite à des consultants des études préparatoires qui visent à évaluer, par lots de produits, les impacts environnementaux du produit et ses possibilités d’amélioration. La directive met en place des forums qui permettent une participation équilibrée des représentants des États Membres et de toutes les parties intéressées par le lot de produits. C’est ensuite seulement à partir de la base de l’étude préparatoire et des discussions au sein du forum consultatif que la Commission publie une mesure d’exécution juridiquement contraignante (règlement) qui fixe les prescriptions à respecter. Pour le froid professionnel par exemple, la partie la plus visible c’est effectivement l’étiquetage énergétique et ses différentes classes mais sur le terrain, les fabricants ont déjà largement modifié leurs appareils pour répondre aux exigences de la Directive ».

Diminuer les consommations énergétiques

Actuellement en matière d’appareils de réfrigération dans le domaine professionnel il existe une distinction à faire dans l’étiquetage des appareils disposant d’une fonction de vente directe et les autres. Conformément au règlement (UE) 2019/2018, les premiers utilisent une « « nouvelle » échelle comprise entre A (le plus efficace) et G (le moins efficace), comme dans le ménager. Ces équipements comprennent les armoires frigorifiques dites « de supermarché », c’est-à-dire les réfrigérateurs et congélateurs à plusieurs étages avec ou sans portes, ceux-là même que l’on peut retrouver dans des enseignes de restauration rapide par exemple type snacking. Figurent aussi dans cette catégorie les distributeurs automatiques réfrigérés, les appareils de réfrigération de boissons et les congélateurs pour crèmes glacées. Les autres armoires frigorifiques professionnelles restent régies par le règlement 2015/1094 et conservent un étiquetage avec l’échelle A+++ à G. La transition est prévue mais dans les années à venir… Cette distinction se retrouve d’ailleurs clairement sur le registre européen de l’étiquetage énergétique des produits (EPREL). Depuis le 1er janvier 2019, les fournisseurs (fabricants, importateurs ou mandataires établis dans l’UE) doivent enregistrer leurs produits dans ce registre et depuis mai 2022, la base de données est accessible et peut être consultée par le public.

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N.Rioux

Si cette distinction réglementaire existe, il apparaît que globalement les constructeurs qui travaillent parfois sur les deux types d’équipements les font progresser dans le même sens. Foster explique ainsi avoir travaillé sur son condenseur (+stayclear) pour améliorer sa consommation énergétique. En y installant des tubes de forme aérodynamique qui augmentent la surface d’échange de chaleur pour une meilleure circulation de l’air, ils ne se bouchent pas et réduisent donc les sollicitations sur le compresseur pour une durée de vie accrue de l’appareil. Dans le domaine des cellules de refroidissement, on peut citer le travail de fond réalisé par le Français Odic qui a éco-conçu sa nouvelle cellule de refroidissement à chariot. La démarche a été encadrée par le CETIM et a notamment permis d’économiser 30 % de matière lors de la conception de la machine. En outre le temps de montage de la machine a été simplifié avec une réduction de temps de 15 à 20 %. Enfin, le ratio consommation d’énergie/performance et a été optimisé avec une diminution de la consommation d’énergie de 5 à 7 % suivant la configuration de l’appareil. Mais pour ce qui est du lot 22 qui regroupe les fours, il n’y a pas de mesures d’exécution pour le moment et les seuls chiffres disponibles pour les utilisateurs sont ceux annoncés par les fabricants. Or, dans un four, la consommation énergétique doit être vérifiée, notamment la puissance qui lui est nécessaire pour fonctionner, mais également sa consommation d’eau et de produit lessiviel si le four est équipé d’un système automatique de nettoyage. Et face à l’hétérogénéité des modèles de fours du marché, on est encore loin d’avoir trouvé une harmonisation des mesures même s’il est évident que les fours sont largement moins énergivores qu’il y a 10 ans.

Allonger la durée de vie du matériel

Alors si les fabricants ont pris en compte la dimension énergétique de leurs productions, ce qui les mobilise aujourd’hui porte davantage sur la réparabilité et la durabilité des équipements. « C’est une notion qui est inscrite dans la directive » indique André-Pierre Doucet, « car si les mesures d’exécution ont essentiellement porté jusqu’ici sur l’efficacité énergétique des produits, elles vont maintenant concerner l’efficacité des matériaux, la réparabilité des appareils, leur durabilité et leur recyclabilité ». Une dimension que certains fabricants ont déjà prise en compte, devançant ainsi une éventuelle nouvelle mesure d’exécution. La plupart d’entre eux pratiquent depuis longtemps la mise à disposition des pièces détachées d’une machine durant plusieurs années mais aujourd’hui les garantir pendant 10 ans devient indispensable.

Santos, Tournus et Socamel ont entrepris de faire labelliser certains de leurs produits avec LongTime, le premier label européen des produits conçus pour durer. Il peut s’appliquer à une grande quantité de produits manufacturés et s’enorgueillit d’être un outil destiné à renseigner clairement les consommateurs sur la longévité, la robustesse et la réparabilité. La démarche oblige les fabricants à porter leurs efforts industriels sur la qualité et la durabilité, en prenant en compte plus d’une quarantaine de critères. Ce cahier des charges répond à trois exigences : une conception robuste, une réparabilité indispensable, des garanties et un SAV professionnel. LongTime est un label indépendant soutenu par l’ADEME, qui est attribué de manière impartiale après un audit d’évaluation réalisé par un organisme de contrôle indépendant. Santos a déjà obtenu le label pour une douzaine de produits (presse-agrumes, centrifugeuses, mixer de bar, blenders), Socamel pour trois de ses chariots de distribution de repas (ErgoServ, MultiServ et CompactServ), Tournus pour deux chariots de maintien en température (Roll’Service et Roll’Fresh), un four de remise en température (Temp’Up) et son self Oreo3.

La société Développement Durable SARL a également obtenu le label LongTime pour son bac à graisse BAGT Compact. Sébastien Goupil, Responsable de la qualité chez Santos a soutenu la démarche LongTime dans son entreprise : « cette certification s’inscrit parfaitement dans la philosophie de notre société qui met un point d’honneur à lutter contre l’obsolescence programmée. Ce label est donc une réelle récompense pour la robustesse et la durabilité de nos produits. Par leur conception et la qualité des matériaux utilisés, nos appareils sont conçus pour durer. Nous garantissons la disponibilité de toutes les pièces détachées plus de 10 ans après la fabrication de nos appareils, pour qu’ils soient durables et réparables à l’infini. Un appareil Santos, quel qu’il soit, est donc toujours re-conditionnable ». Car si les fabricants se focalisent aussi sur cette durabilité c’est aussi parce que depuis le 10 février 2020, le marché du reconditionné en France s’est vu attribuer un nouveau cadre légal à travers la loi antigaspillage pour une économie circulaire, dite loi AGEC (Voir encadré), qui risque d’accélérer les changements dans tous les modèles de production et de consommation… y compris dans le domaine professionnel.

L’obligation d’achat de produits issus du réemploi

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Pour pousser les collectivités territoriales à contribuer à l’économie circulaire, l’État a mis en place une obligation d’acquisition par la commande publique de bien issus du réemploi ou de la réutilisation, ou contenant des matières recyclées. C’est plus précisément le décret n° 2021-254 qui en fixe les modalités pour réaliser l’objectif fixé par l’article n° 58 de la loi AGEC : augmenter la part des achats issus de l’économie circulaire (filières de recyclage, filières de réparation, etc.). Les acheteurs de l’État et les collectivités territoriales devront alors se procurer des biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées, dans des proportions comprises entre 20 et 40 % minimum de la valeur de leurs achats annuels selon le type de produit. Pour le moment la liste des produits et catégories de produits pour lesquels sont fixées des proportions minimales ne mentionne pas les équipements professionnels. Seul doute, la catégorie Appareils Ménagers (CPV 39700000-9) dans laquelle peuvent se glisser les petits matériels de cuisine de type Micro-ondes, crêpières, gaufriers etc. Rappelons que le reconditionnement des produits contribue à la prévention des déchets, notamment des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE).

À retenir

Le texte qui fixe l’écoconception :

- Directive ErP - Energy related Products ou Directive Écoconception 2 009/125/CE du 21 octobre 2009. - Transposée par le décret 2 011-764 du 28 juin 2011, codifié aux articles Art.R 224-61 et suivants du code de l’environnement.

Le texte qui fixe l’étiquetage énegétique :

- Règlement (UE) 2017/1369 qui abroge la directive 2010/30/UE.

Les textes qui fixent les exigences du lot 1 ENTR (Armoires frigorifiques professionnelles) :

- Règlement délégué (UE) 2 015/1094 du 5 mai 2015 en ce qui concerne l’étiquetage énergétique des armoires frigorifiques professionnelles

- Règlement (UE) 2015/1095 du 5 mai 2015 en ce qui concerne les exigences d’écoconception applicables aux armoires frigorifiques professionnelles, aux cellules de refroidissement et de congélation rapides, aux groupes de condensation et aux refroidisseurs industriels.

- Norme NF EN 16825 « Armoires et comptoirs frigorifiques à usage professionnel — Classification, prescriptions et conditions d’essai » (2 016)

- Norme NF EN 17032 « Cellules de refroidissement et congélateurs pour usage professionnel - Classification, exigences et conditions d’essai » (2 018)

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