La crise du Covid a-t-elle été favorable au portage de repas à domicile ? Diane Michaud : Elle a clairement mis en évidence le caractère essentiel des services d’aide et d’accompagnement au domicile pour les personnes âgées tels que le portage de repas. Cette activité ayant été davantage sollicitée pendant la période de confinement. De nombreux bénéficiaires ont en effet fait appel à des sociétés de portage de repas pour compenser l’indisponibilité d’une aide extérieure. C’est ainsi que ce segment a fait figure d’exception dans le secteur des services à la personne, lourdement affecté par le Covid-19. Et ces acteurs devraient même en sortir renforcés. À titre d’exemple, le Groupe La Poste est passé d’environ 6 000 à 11 000 repas par jour entre le début de confinement et la mi-juin. Hormis le contexte sanitaire actuel, le vieillissement de la population et la hausse du nombre de seniors en perte d’autonomie constituent également de puissants moteurs de la demande de livraison de repas à domicile.
Que pèse désormais ce marché en France ? D.M. : Il devrait progresser au rythme d’environ 2 % par an d’ici 2023 pour atteindre 540 millions d’euros (contre 500 millions en 2019), selon nos prévisions. Il reste aussi aux professionnels à fidéliser les nouveaux bénéficiaires pris en charge pendant la crise sanitaire mais aussi à redimensionner leur offre pour s’adapter aux besoins du marché post Covid-19. La densification du maillage territorial est une piste à creuser pour trouver des relais de croissance. Les acteurs du portage de repas sont en outre potentiellement menacés par le conditionnement des avantages fiscaux octroyés aux bénéficiaires à la fourniture d’une offre globale de services. Dans ces conditions, ils enrichissent et personnalisent leur offre pour gagner des parts de marché. Choix des menus (régime sans sel, formule complète ou simple collation, etc.), choix des livraisons et conseils d’un diététicien… En parallèle, le durcissement de la réglementation appliquée aux emballages plastiques jetables pousse les préparateurs de repas à repenser leur processus de conditionnement. La concurrence est-elle appelée à monter d’un cran ? D.M. : Longtemps, l’intensité concurrentielle est restée relativement faible, en particulier dans les zones isolées où les bénéficiaires ont rarement le choix entre plusieurs prestataires. Mais la donne est en train de changer. Les inaugurations d’agences par les réseaux sous enseigne (comme Les Menus Services ou Coviva) ont été nombreuses dans les zones urbaines. La rivalité va également se renforcer sous l’effet de l’arrivée de nouveaux entrants, attirés par les perspectives du marché. Des acteurs présents en amont ou en aval de la livraison de repas (maintien à domicile, industrie agroalimentaire…) ainsi que d’activités connexes (livraison de repas en entreprise notamment) pourraient s’y positionner. Compte tenu de leur connaissance des régimes adaptés aux personnes âgées et des grandes capacités de leurs cuisines centrales, les acteurs des services à la personne et du secteur médico-social ont de solides atouts à faire valoir. Déjà, des groupes privés issus de la dépendance en établissements comme DomusVi, Orpea, Colisée ou Korian mais aussi des géants de l’hospitalisation privée comme Ramsay Santé ont investi ce marché. Diane Michaud est l’auteur de l’étude Xerfi Precepta « La dynamique du marché du portage de repas à domicile à l’horizon 2023 - Impacts de la crise sanitaire, nouveaux défis et leviers de croissance des acteurs ». Pour en savoir plus sur l’étude : xerfi.com Jean-François Aubry