De gauche à droite : Nelly Rioux, Gilles Castel, Thibault Evain, Alexandre Lohnherr, Bastien Rambaud.
Le décret* du 21 février relatif à l’obligation d’acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi méritait bien une explication de texte par rapport aux équipements de cuisine professionnels. Ceux-là mêmes qui appartiennent désormais à la catégorie « gros électroménagers » avec déjà toute l’ambiguïté de ce mot pour des appareils justement hors du domaine domestique et appelés à fonctionner d’une manière intensive. Une table ronde organisée par CINOV Restauconcepteurs à EquipHotel et animée par Nelly Rioux a permis de l’éclairer et d’entendre les différentes parties prenantes au dossier. D’autant que celui-ci nécessite beaucoup de pédagogie souligne Alexandre Lohnherr du Synetam. L’utilité du débat dans un premier temps a été de bien définir plusieurs termes sur lesquels subsistent de nombreuses confusions. Dans le monde récent du réemploi, comme l’explique Bastien Rambaud co-fondateur de Vesto, le reconditionné signifie qu’un appareil est passé entre les mains d’un professionnel qui vérifie qu’il retrouve les capacités de son état d’origine avant de le remettre sur le marché avec une garantie. L’occasion est un mode de réemploi mais sans passage obligatoire par un professionnel et sans garantie, tandis que la seconde chance regroupe des appareils qui n’ont jamais fonctionné et sont déclassés à l’exemple des matériels d’exposition.
Des objectifs – trop ? – ambitieux
Si le décret vise dès cette année 20 % en valeur de ces matériels en réemploi dans la commande publique, l’objectif est d’atteindre 30 % en 2030. Ce qui représenterait en fait 60 %, selon le Synetam, du fait de la décote moyenne des équipements reconditionnés… D’où un problème de gisement qui se posera rapidement. Au vu des objectifs, en 2025, il faudrait dès à présent retraiter 13 000 tonnes de volume d’achats de la fonction publique, ce qui paraît peu concevable pour le syndicat des équipementiers de la filière. À noter cependant que seulement 20 % des matériels seraient réellement concernés selon le travail réalisé par Cinov Restauconepteur, précise Gilles Castel, son vice-président qui souhaite pousser plus loin cet inventaire avec les pouvoirs publics. Autre problème posé : la question de la traçabilité des matériels depuis sa première mise sur le marché avec les risques possibles qu’ils pourraient engendrer et la notion de responsabilité qui en découle, rappelle Thibault Evain, représentant du Snefcca. En tant qu’installateur, souligne-t-il, le but premier d’un tel métier est d’ailleurs de faire fonctionner le plus longtemps possible les équipements neufs au travers de la maintenance. Afin de faire reconnaître le sérieux des reconditionneurs, Bastien Rambaud précise que Vesto et Codigel travaillent actuellement à faire certifier la profession comme c’est le cas dans la téléphonie. Cela passera par le label RecQ « Produits reconditionnés, qualité vérifiée » délivré par Dekra. Autre démarche en cours, la sortie très prochaine du Guide du Commissariat général au développement durable (CGDD) pour expliquer comment intégrer le réemploi dans les appels d’offres publics et qui regroupera, entre autres, des fiches de produits dont une consacrée aux matériels de cuisines. Cet outil de travail auquel a participé Bastien Rambaud, reste perfectible selon ses concepteurs, et sera appelé à évoluer dans le temps en fonction des pratiques. Côté Bureaux d'études, de nouvelles missions d'AMO pour accompagner les acheteurs publics dans ce domaine pourraient voir le jour avec notamment, comme l'a indiqué Gilles Castel, l'idée de créer un lot zéro qui permettrait de remédier aux délais entre l'appel d’offres et les commandes de matériels reconditionnés.
Au-delà de tous ces échanges entre les intervenants, il se confirme que le dialogue entre reconditionneurs, installateurs, bureaux d’études et acheteurs publics s’avère indispensable.
* Décret n° 2024-134 du 21 février 2024