Alors que la pandémie se poursuit en France et dans le monde, Vincent Stellian, Président de la commission Cuisine du Snefcca et Président du groupe Quietalis, a accepté de répondre à nos questions. Il fait un point sur la situation des installateurs de cuisines professionnelles.
Comment vos métiers se sont-ils organisés au cœur de cette crise sanitaire ? Le propre de nos métiers c’est l’adaptation à toutes les situations. C’est ce que nous avons fait à l’annonce du confinement et de la fermeture des établissements scolaires et de restauration commerciale. Sans oublier les arrêts en cascade des chantiers en cours d’installation même si certains sont restés ouverts pour permettre leur achèvement. J’ai immédiatement pris contact avec les membres du bureau de la commission cuisine pour mesurer avec eux la situation et voir comment nous pouvions accompagner les entreprises. De nos échanges ont émergé trois sujets : comment gérer le préjudice, comment mettre en place des mesures sociales, comment faire face aux problèmes de logistique, notamment pour l’approvisionnement en pièces détachées et en fluide. Nous avons travaillé avec le SNEFCCA à la FAQ accessible en ligne sur le site du syndicat. Sa consultation a enregistré des chiffres records. Quelle était la préoccupation principale, l’urgence ? Assurer la maintenance curative des établissements toujours en fonctionnement : hôpitaux, cliniques, EPHAD, prisons, avec des effectifs réduits mais surtout sécurisés. A ce jour, les interventions sont à 100% curatives et correspondent à 15 à 25% de notre activité habituelle. Le manque à gagner est énorme. Pour autant nous gérons et assumons cette responsabilité. Avez-vous eu connaissance d’entreprises où les équipes ont été touchées directement par le Covid-19 ? Je ne peux vous répondre que pour ma propre entreprise Quietalis où nous avons recensé deux cas mais je suppose que si nous en avons eu sur nos 20 agences intégrées, il y en a eu ailleurs. Ces cas ont été identifiés et nous avons mis en place un process pour prévenir toutes les personnes qui avaient été en contact avec elles. A ce jour, ces deux personnes vont bien et il n’y a pas de contaminations supplémentaires. En règle générale comment se sont organisées les entreprises ? (fermeture, permanence…) Les petites entreprises où le poids de l’installation est largement prédominant ont fermé en raison de l’arrêt de la majorité des chantiers. Chez Quietalis et dans de nombreuses PME d’installation, des PCA (Plan de Continuité de l’Activité) ont été mis en place avec du télétravail grâce à des call center déroutés. A noter que c’est dans ce genre de situation qu’on se rend compte de l’utilité d’avoir investi dans des outils technologiques adaptés que ce soit au niveau du réseau téléphonique que dans des outils de meeting virtuels. La plupart des entreprises ont ouvert des permanences et ont organisé des astreintes pour les week-end et jours fériés. Nous jouons un rôle primordial pour que les établissements de santé puissent continuer à nourrir patients et résidents sans oublier les soignants. Idem pour les centres pénitentiaires où la situation est actuellement très tendue. Mais dans l’ensemble, les échos que j’ai du terrain sont plutôt positifs. Comment sont équipés les techniciens ? A quelles contraintes doivent-ils faire face ? Je vais vous parler de ce que nous avons mis en place chez Quietalis car chaque entreprise s’est organisée de manière individuelle. Néanmoins chacun a fait de la sécurité un incontournable pour que les équipes techniques soient protégées, ainsi que les clients. Chez Quietalis nous avons équipé nos techniciens de masques et de gel hydroalcoolique car sur place, dans les établissements, le niveau d’application des mesures barrière est très variable d’un site à l’autre. Une fois sur site, nos techniciens doivent souvent faire face à des situations très tendues, moroses, non seulement parce qu’on intervient en curatif mais aussi parce que les équipes sur place sont de plus en plus fatiguées et déprimées… Pour autant, depuis une bonne semaine on assiste à davantage de solidarité et de bienveillance. On constate également qu’après avoir fait face à l’ampleur du phénomène, les EPHAD ont fortement renforcé leurs procédures de contrôle. Chez Quietalis, dont 50% de l’activité s’effectue avec les clients grands comptes, on a pu constater la mise en place de process très stricts avec inscriptions des interventions et port de masque obligatoire, distributions de gel si l’intervenant en a besoin etc. Et si au départ les masques ont été difficiles à se procurer, on peut dire qu’à présent tout le monde est équipé. Quels équipements nécessitent le plus d’intervention ? La configuration des interventions est la même qu’en situation normale, en dehors du fait que nous sommes sur du 100% curatif. Il n’y a pas de différence de nature d’intervention depuis le début de la pandémie. Quelle relation avez-vous mis en place avec les fabricants de matériels ? Dès le départ je me suis entretenu avec Pierre Marcel le président du SYNEG pour voir avec lui comment nous allions pouvoir unir nos efforts pour qu’il y ait le moins de casse possible. Nous avons listé ensemble un certain nombre de problèmes et de solutions, notamment pour pallier les défaillances logistiques. Puis, nous est venue l’idée de lancer un appel à la mobilisation, d’où un Communiqué de Presse commun co-signé par toute la filière. Car maintenir une activité est vital !. Avez-vous une idée des conséquences de cette crise sur les entreprises de votre métier ? S’en sortiront-elles ? Les conséquences de cette crise seront forcément catastrophiques pour toute l’économie mondiale mais aussi pour notre métier, nos principaux clients ayant été touchés de plein fouet. Pour nos entreprises la situation sera une fois encore hétérogène en fonction de la solidité financière de chacune mais il est certain que les plus fragiles auront du mal à rebondir. Comment voyez-vous l’après… ? Il sera difficile c’est certain. Je ne peux exprimer ici que les réflexions que j’ai actuellement pour ma propre entreprise. Je crois que la pire des choses serait de se mettre la tête dans le sable et attendre que ça passe. Demain, il faudra commencer par maintenir le moral des équipes car certaines seront vraiment épuisées souvent moralement car le confinement est loin d’être facile. Bon nombre de collaborateurs vivent dans des petites surfaces, avec des enfants auxquels il faut assurer un semblant de scolarité etc. C’est loin d’être évident. Ensuite, il faudra sécuriser l’entreprise au niveau financier et humain. Mais aussi au sens propre. Car il faudra tirer des leçons de cette situation sanitaire et mettre en place des process pour mieux contenir une telle pandémie. L’après se fera graduellement car on ne sortira pas de cette crise en appuyant juste sur un bouton. Il faudra commencer par faire un état des lieux. Dans quel état se retrouvent les comptes en banque, les équipes, les clients ? Faire redémarrer une activité, c’est la même chose que faire redémarrer une voiture. S’il n’y a pas d’essence ça ne peut pas fonctionner. Et l’essence ça a un coût qu’il faudra bien mesurer, évaluer. Je pense qu’il faut rester résolument optimiste et j’appelle de mes vœux le travail collectif pour faire de cette reprise un succès. Sortons de cette crise plus unis et solidaires que jamais, faisons bloc pour partager nos objectifs !