Alors que la pandémie se poursuit en France et dans le monde, Jean-Bernard Labruquère, Président d’UNACPRO mais également du groupement GIF, a accepté de répondre à nos questions. Il fait un point de la situation des installateurs et agenceurs de cuisine pro.
Comment vos métiers se sont-ils organisés au cœur de cette crise sanitaire ? Après 3 semaines de confinement, je dirais que la réaction de notre profession a connu 3 temps. Protéger, Agir, Anticiper. Quelles ont été les réactions de vos adhérents ? La première réaction de nos adhérents a été de protéger leurs collaborateurs. Ainsi durant les 3 derniers jours de la première semaine du confinement qui a débuté un mardi à midi, 90% de nos collaborateurs ont été priés de rester chez eux. Environ 10% de nos collaborateurs ont été astreints aux interventions de dépannages urgents chez nos clients EPHAD, Cliniques, Hôpitaux, Centres pénitentiaires, Métiers de bouche. Quelle était la préoccupation principale, l’urgence ? Le maintien en état de service des installations cuisines de ces clients dont le rôle social était prépondérant. Avez-vous eu connaissance d’entreprises où les équipes ont été touchées directement par le Covid-19 ? A ce jour et à notre connaissance, parmi nos adhérents, deux entreprises ont été directement touchées par le virus. En règle générale comment se sont organisées les entreprises ? (fermeture, permanence…) En deuxième semaine, les besoins en interventions curatives se sont avérés plus nombreux. Ainsi environ 30% de nos collaborateurs ont été astreints aux interventions de dépannages urgents chez nos clients EPHAD, Cliniques, Hôpitaux, Centres pénitentiaires, Métiers de bouche. Comment vos adhérents organisent-ils les permanences ? Comment sont équipés les techniciens ? A quelles contraintes doivent-ils faire face ? Un gros travail de protection de nos salariés a été mis en œuvre par les chefs d’entreprises afin de leur permettre d’apporter, en toute sécurité, les services indispensables sollicités par ces établissements pour le maintien en fonctionnement de leurs outils de fabrication des repas de leurs résidents, patients et personnels. Le point noir étaient les masques qui faisaient défaut et qui de toutes façons étaient réservés aux personnels soignants. Aussi, en plus des mesures de distanciation et d’hygiène scrupuleusement observées, nos collaborateurs ont utilisé les visières de protection réglementaires pour effectuer tous travaux électriques, dont ils sont tous obligatoirement équipés, et qui isolent la totalité du visage tout en permettant une vision ponctuelle et panoramique parfaite. Globalement quels sont les établissements qui nécessitent le plus d’aide ? Les EPHAD Quels équipements nécessitent le plus d’intervention de maintenance ? Est-ce normal où lié à la crise ? Nous avons constaté un taux élevé d’interventions dans les laveries et les buanderies Les interventions frigorifiques sont restées stables et plutôt en baisse. Il faut dire que la saison n’est habituellement pas très demandeuse. Je rappelle toutefois que ces interventions ne sont réalisées que dans les EPHAD, Cliniques, Hôpitaux, Centres pénitentiaires, Métiers de bouche qui représentent environ 30% de nos clientèles habituelles. Sachant que tous les établissements hôteliers, de restaurations commerciales ou collectives sont fermés, les interventions chez 70% de nos clientèles ont donc été nulles durant ces 3 semaines de confinement. Bien entendu ces chiffres sont globaux et peuvent être localement très différents d’une entreprise à une autre. Quelle relation avez-vous mis en place avec les fabricants de matériels ? Le printemps est traditionnellement une période de très forte activité en termes de livraison et d’installation des chantiers neufs ou de rénovation. Ainsi le niveau des commandes chez nos fabricants était très élevé au moment où le confinement a été décrété. Nos entreprises d’agencement de cuisines professionnelles avaient reçu et attendaient énormément de matériels de la part de nos fabricants. Ainsi dès la deuxième semaine du confinement nos adhérents ont fait connaître à leurs fournisseurs leurs impossibilités de réception afin d’éviter l’engorgement des quais de chargement des fabricants et des transporteurs mais également des quais de déchargement de nos entreprises. Mais nos entreprises ont également fait connaître à leurs fournisseurs leurs possibilités de réception. En effet bon nombre de chantiers n’ont pas été fermés et certains d’entre eux se poursuivent. Les mêmes règles de sécurité et de précaution que pour les techniciens de SAV doivent être respectées et le sont. Quoiqu’il en soit ces chantiers ne sont poursuivis que sur la base du volontariat de nos salariés, des maîtrises d’œuvres et d’ouvrages et des possibilités logistiques. Avez-vous une idée des conséquences de cette crise sur les entreprises de votre métier ? S’en sortiront-elles ? Si oui pourquoi ? Il serait bien présomptueux de prédire ce que sera l’après pandémie, en tous cas je m’en sens bien incapable. Toutefois la durée du confinement sera prépondérante. Plus elle s’allonge plus les risques sont grands. Nos entreprises évoluaient dans un environnement plutôt favorable avant la pandémie et ce, depuis quelques années. Aussi celles bénéficiant d’une certaine ancienneté devrait pouvoir résister. Je suis plus inquiet pour les entreprises jeunes ou récemment reprises par de nouveaux exploitants. J’espère que les mesures de soutien proposées par l’état aux banques avec le concours de la BPI, seront effectives. Quel message avez-vous envie de faire passer ? Les vrais problèmes seront des problèmes de trésorerie. Pour autant il nous faudra tous, et chacun à notre place, faire preuve de courage et de responsabilité en ne rejetant pas "sur les autres" nos obligations en termes de financement de nos charges et engagements. Auprès de nos salariés tout d’abord que nous devrons accompagner et soutenir financièrement, car ils ont eux aussi des engagements et des obligations. Auprès des organisations étatiques que nous ne pouvons rendre responsables de tous nos maux mais qui ne seront pas non plus nos seuls remèdes. Auprès de nos fournisseurs que nous ne pouvons pas, ne devons pas, utiliser comme variables d’ajustement de nos trésoreries. Si chacun, égoïstement, décide de ne pas payer ce qu’il doit, nous assisterons alors à l’effondrement de notre société. Mais pour cela nous devrons aussi être intransigeants avec nos clients et ne pas accepter de report de règlement pour protéger leurs trésoreries. Ils ont eux aussi accès aux concours bancaires qui sont imposés aux banques par l’état, ils peuvent et doivent, comme nous, faire face à leurs responsabilités et à leurs engagements. A ces seules conditions notre modèle économique qui, avouons-le, nous permettait, somme-toute, de vivre assez confortablement pourra être sauvé et perdurer. Nous avons toujours prôné, au-delà de nos naturelles concurrences sur les marchés, la solidarité de notre filière professionnelle afin de sauver et de faire perdurer nos professions. Aujourd’hui il ne s’agit pas de sauver uniquement notre profession ni notre filière professionnelle ni même notre modèle économique, mais de sauver notre pays et même, peut-être, notre civilisation.